Salut à Toi,

Cela fait quelques mois que je n’ai pas pris le temps d’écrire et de partager mes réflexions. Est-ce là le fait d’une certaine difficulté à prendre du recul sur la période particulière que nous vivons, c’est sans doute un bout de la réponse.

Depuis un certain temps, une thématique me revient de plus en plus régulièrement à l’esprit et j’ai enfin trouvé le courage pour t’en parler. Tu me sais passionnée des échanges et de tout ce qui a trait à la communication et au respect humain. Toujours en quête d’en apprendre davantage et de maîtriser plus d’outils pour m’y aider, j’ai la chance de pouvoir observer certains comportements répétitifs et il m’apparaît de plus en plus clairement que l’un d’entre eux prend un certain pouvoir pour ne pas dire un pouvoir certain dans ces temps déstabilisants.

Enlisés depuis des mois dans une crise pour laquelle force est d’admettre que nous ne sommes plus maîtres de la situation, nous découvrons et constatons de plus en plus l’excessivité du comportement humain. Et c’est sur cet aspect précisément que j’ai envie de te partager mes réflexions.

Les dernières semaines (parce que je n’ai pas trop envie de considérer cette situation en mois ou années), nous avons tous eu l’opportunité d’entendre ou lire de nos proches ou moins proches, des réflexions personnelles sur la situation de vie que nous traversons, sur des évènements précis, sur les votations, sur les nouvelles règlementations (…). Ces propos nous ont été offerts peut-être de façon agréable et constructive, toutefois, et si j’en crois l’image qu’en donne les réseaux sociaux, les argumentaires sont de plus en plus attaquants. Et même si on ne peut pas dire que ce qui est partagé par les uns ou les autres est authentique pour le 100% des autrices et auteurs, je suis certaine que la plupart des propos sont emprunts de nuances dans leur esprit, nuances que nous sommes incapables de ressentir lorsque nous les recevons.

Dans ma tentative de mettre du sens dans ce qui se joue dans la communication actuelle, j’ai pu relever quelques thématiques que je vous partage ci-après.

Tout d’abord, on a appris à catégoriser les personnes dans des cases prédéterminées. Dans ce sens, on a vu apparaître des termes tels que les pro, les anti, les vax, les antivax, les platistes, les complotistes, les dictateurs, les totalitaristes, les idiots, les solidaires, les responsables, les irresponsables, les confédérés et j’en loupe sans aucun doute ! En communication, lorsque né un désaccord ou un conflit, on se rend souvent compte que ce dernier peut naître d’une incompréhension de la définition d’un mot utilisé. Et là survient une première interrogation sur la définition et le pouvoir que l’on donne à ces termes. Car si en communication, il est induit dans notre langage parlé que le « tu » est amical, lors de désaccords ou de conflits, il est certain qu’il devient agressif et intolérable. Je reprends donc ma réflexion d’une personne qui traiterait une autre par des termes comme « oui mais toi de toutes façons, tu es un-e complotiste », et bien on va toucher immédiatement et de façon agressive la personne pour qui la phrase est destinée, tout en ne lui donnant aucune possibilité de comprendre la nuance du propos partagé et en prenant le risque même de l’attaquer sur son identité, sa confiance en soi et son estime globale. C’est pour moi une responsabilité importante que d’en prendre conscience.

Il y a un aspect tout aussi intéressant à évoquer, c’est celui que l’être humain a besoin d’appartenir à un groupe. Ainsi il se sent compris, entendu, soutenu et reconnu dans son individualité. Il est donc agréable de faire partie de l’un ou l’autre groupe en fonction de ses valeurs intrinsèques, tout en notant que si une critique devait être fait par son groupe d’appartenance en lien avec une valeur forte pour lui, il se verrait rapidement glisser dans un nouveau groupe qui lui, tout en restant dans le groupe de base, répondrait plus exactement à ses propres valeurs et croyances. Prenons l’exemple d’un Valaisan (oui, je suis un peu chauvine, je vous l’accorde) qui se rend dans le canton de Vaud. On sait combien nous aimons entretenir une certaine rivalité, même si admise pour la plupart du temps humoristique malgré le fait que dans certaines situations, elle est plus virulente. On ne va pas forcément se mélanger dans un rassemblement spécifique et on préfèrera sans doute rester « entre valaisans » ou « entre vaudois » (je pose exprès un cadre excessif). Prenez maintenant ces deux mêmes personnes qui se retrouvent sur une plage de Mexico, et bien elles vont immédiatement se retrouver et nouer des liens car l’humain cherche toujours l’appartenance. Dans ce 2ème cas, nous serions tous deux des Suisse ! Plus de distinction cantonale, on se retrouve ensemble, loin de chez nous ! Et là peut-être aurez-vous compris la métaphore avec la crise actuelle… Des groupes se sont créés, et si nous y faisions quelque peu attention, nous verrions que nous faisons sans aucun doute partie du même groupe pour l’une ou l’autre des thématiques défendues, ce qui, au final, devrait nous permettre de nous rassembler plutôt que de nous diviser.

Toujours dans ces réflexions, j’aimerais attirer votre attention maintenant sur l’utilisation des mots généralistes et du langage vague dans les communications. Nous ne prenons plus le temps d’exprimer notre pensée et réflexion, nous balançons des articles, des pensées, des émotions, des expériences personnelles. Nous sommes tous touchés d’une manière ou d’une autre, plus ou moins fortement, par les évènements actuels. Comment pourrait-on faire une échelle de douleur pour comparer qui souffre plus que l’autre, et de fait, a « + » raison que l’autre !? Il n’est évidemment pas possible de rassembler le 100% des personnes sur une même réponse, notant que nous sommes tous uniques avec nos convictions, nos valeurs et nos expériences. Et c’est ce qui fait la richesse de l’être humain et de notre société ! Le langage vague, c’est vraiment un langage ou qui que ce soit va trouver un sens qui confirme la reconnaissance de son choix pour le bien de tous. Prenons l’exemple suivant « Si l’humanité survivra, c’est grâce à vous et vos efforts » ; réfléchissez deux minutes à l’accueil de cette phrase dans l’esprit d’un « pro » ou d’un « anti »… Elle fera sens et écho des deux côtés et renforcera encore le fossé actuel entre les croyances personnelles de toutes et tous ! La communication, ne l’oublions pas, peut être un outil de manipulation puissant !

Enfin, les généralités ont cette tendance à créer sur l’être humain une pression qui est, au fur et à mesure que le temps s’écoule, de plus en plus difficile à supporter. Prenez la phrase « les complotistes sont tous des idiots à cause desquels on ne sortira jamais de la crise », ou « les vaccinés sont des moutons qui discriminent toute une partie de la population ». Si on analyse ces deux phrases, on se rend vite compte qu’il s’agit de croyances limitantes (qui nous empêchent de vivre et d’ouvrir notre réflexion) et qui sont nées d’un désir d’être entendu de parte et d’autre, par l’utilisation notamment de phrases chocs et généralistes. Dans les exemples nommés, elles peuvent aussi répondre à des peurs personnelles (cerveau reptilien), comme la peur de la maladie, de la mort, de ne pas suivre les règles, ou que sais-je encore. Pour ces phrases, essayez de déterminer les mots « complotistes » et « moutons », et que veut dire « idiot » et « sortir de crise » ou encore « discriminent » ? Et lorsque l’on dit « tous », n’a-t-on pas un exemple, un seul, ou cette phrase n’a pas été vraie ? Ou quelqu’un a changé peut-être d’avis ? Lorsque l’on travaille sur ce que veulent dire ces expressions, on comprend que c’est sans doute une réponse à une détresse personnelle plus qu’une envie de jugement pur et dur, mais cela reste évidemment mon avis personnel bien que je pense que ce phénomène impacte l’ambiance actuelle de notre pays.

Après presque deux ans de crise ; nous sommes épuisés et ne savons plus vraiment à qui se fier, nous souhaitons juste trouver une sortie qui réponde à nos critères personnels et nos valeurs. On utilise des raccourcis, on s’attache à une position parce qu’on en a marre d’y réfléchir ou de lire plus avant. On affirmer notre identité ! (ben oui voyons, qui sommes-nous pour te dire comment tu dois penser ?).

Et bien justement, nous ne sommes personne pour te dire qui tu es, qu’est-ce que tu dois faire et comment. Nous sommes là chacun et chacune d’entre nous pour nous écouter, nous soutenir, nous engager et construire la suite de notre chemin, pour nous et pour ceux qu’on aime. On est là pour ne pas écrire un passé dans les pages des futurs livres d’histoire. Et pour cela, il nous suffit juste de faire un pas en arrière, d’arrêter de vouloir, à coup de croyances personnelles, convaincre d’autres que ce que l’on pense est mieux, et juste accepter et embrasser la différence. Être même d’accord de ne pas être d’accord ! Et pour moi, c’est là toute la beauté de ne pas être dans un groupe ou de ne pas s’y attacher, mais de montrer simplement qui nous sommes, avec nos croyances, nos valeurs, nos forces et faiblesses, avec nos peurs et nos engagements, dans la bienveillance afin de laisser enfin cette violence s’éteindre gentiment.

Avec toute ma tendresse,

Tania