Depuis quelques semaines déjà, mes doigts démangent l’envie d’écrire sur la période tout à fait extraordinaire que nous vivons. Puis cette envie s’échappe tout d’un coup, car me revient en mémoire toutes les difficultés que cela a engendré à titre privé autant que professionnel et social. Ceux qui me suivent régulièrement connaissent ma capacité à voir le bien en chacun(e) et en toute chose. Comme on aime à le dire, je vois le verre à moitié plein ! Et pourtant, durant cette période, j’ai perdu durant quelques temps mes repères. Je me suis retrouvée chahutée dans l’une de mes croyances fondamentales, la capacité de chacun(e) à la réflexivité et surtout, la bienveillance de l’Etre Humain envers l’Autre.

Prise tout d’abord dans un tourbillon d’informations et de données à traiter sans délai, malgré mes capacités à gérer un nombre considérable d’activités, je me suis très vite retrouvée submergée. Passionnée par la musique, le sport et les rencontres sociales, mes activités exutoires se sont retrouvées, comme pour beaucoup, hors de portée. Ma vie privée et professionnelle se sont empressées de ne former qu’une entité, et sans que je ne m’en aperçoive, je me suis essoufflée. Gérer la garde de ma fille en sus de mes activités professionnelles qui, elles, ont doublé durant cette période, a impliqué un nouveau rythme. Même si je le considérais comme très agréable car complètement modulable à souhait, je n’ai pas vu l’envers de la médaille qui impliquait des semaines sans week-ends et des journées sans horaires. Au bout de 6 semaines à ce rythme, sans possibilité de m’exprimer d’une autre manière que dans ce cadre, j’ai craqué. De plus, les échanges sociaux que nous permettent la technologie n’avaient de cesse d’ajouter à une anxiété grandissante des schémas de pensées préétablis et sur lesquels peu de personnes débattaient  avec recul.

La solitude s’est fait ressentir les deux dernières semaines ; très fortement. Non pas la solitude physique, plutôt celle où la privation de liberté par la mise en place des recommandations s’est accentuée. Ne pas pouvoir échanger, partager autrement que dans la distance. Affirmer le besoin de distanciation sociale au profit d’une protection éphémère tout en renforçant la peur de l’Autre. Comment peut-on accepter de ne plus s’accepter justement, l’un-l’autre !? Pour moi, ça a été une véritable claque. D’autant plus que la plupart des messages partagés sur les réseaux sociaux avaient pour but d’accentuer les comportements estimés honteux pour en faire des généralités et profiter de critiquer nos frères, nos familles, nos collègues… Quelle déception… Evidemment, il en allait d’un comportement civique à adopter ! Mais devions-nous et devons-nous passer par la haine pour l’exprimer ?

Et là s’est rétabli en moi la professionnelle. Pourquoi ce besoin de crier plus fort, de se faire entendre dans la violence ? Qu’est-ce qui, dans la situation actuelle, a provoqué de si violentes réactions que j’aime croire « hors cadre » ? Peut-être puis-je trouver un début de réponse dans le sentiment partagé d’insécurité à voir demain. Cette insécurité que l’on cherche inconsciemment et à tout prix maîtriser dans notre quotidien. Ou alors, peut-être est-ce dû à l’inconfort des schémas classiques bouleversés ? Nos habitudes et nos droits ont été grandement chahutés. On attend que l’on nous explique ce que l’on doit faire pour rester dans le cadre, dans une certaine normalité, ou encore, pour faire « comme les autres ». On n’ose pas risquer… Et quand bien même on oserait s’y risquer… en quoi et pour quoi ? Ou alors serait-ce simplement parce qu’on a peur ? Et que la peur entraîne un comportement irréfléchi et de protection. Et  que de notre cerveau reptilien découlent la fuite ou l’attaque… cette attaque que j’ai pu ressentir quotidiennement dans les premiers jours de semi-confinement et qui m’a fortement attristée…

J’aime à voir le positif en chaque chose ; je vous l’ai déjà partagé. Et même si ces quelques semaines continuent à me maltraiter quelque peu dans mes croyances, ils m’ont offert la chance d’ouvrir mon regard à d’autres niveaux sociétaux. Avoir été ébranlée dans mes convictions fortes m’a renforcée encore dans mon métier d’accompagnante. Ce n’est pas parce que le doute en l’Autre s’est glissé dans mon cœur ces quelques semaines que je ne suis plus capable d’être une professionnelle de qualité. Au contraire ! Cette prise de conscience me permet d’être encore plus éthique face à cette profession et dans ma pratique quotidienne. Car pour être capable d’accompagner au mieux mes semblables, il me semble indispensable de se connaître également, et de toujours travailler sur son Moi intérieur. Les questions évoquées plus haut continuent de m’habiter et m’aident à appréhender de façon différente notre monde et ses principes. Tout me démontre que nous sommes en perpetuelle mouvance et que rien n’est acquis. Nous sommes seuls maîtres de nos comportements, et rien n’est éternel. Apprendre à nager avec le courant tout en acceptant de s’y laisser emporter pour n’en ressortir que le meilleur pour soi.

Je vous souhaite tout le meilleur dans cette période étrange et me réjouis de vous retrouver bientôt dans l’innocence des rencontres hors normes.

Tania